Depuis que je suis « sortie » de l’amnésie traumatique, et que cette mémoire traumatisée se libère peu à peu, j’accueille, comme je peux, ces flashs qui s’invitent, souvent sans prévenir, se projetant comme sur grand écran, façon ‘film qui met mal à l’aise’…

Depuis que « je sais » que j’ai été violée par mon père (au minimum), j’ai compris a posteriori que je m’étais déjà envoyé des messages, que l’amnésie se fissurait de temps à autre pour vérifier si j’étais prête à accueillir la vérité… je ne devais pas l’être à l’époque.

Accompagnée avant et après cette prise de conscience, depuis bientôt 2 ans, je suis passée du côté de thérapies moins « classiques », davantage psycho-corporelles, car c’est bien mon corps aussi que je dois libérer, je ne peux pas me contenter de mettre seulement des mots sur les maux. Un traumatisme physique et psychique se libère totalement quand il est « approché » globalement.

Depuis je peux dire « j’ai été agressée sexuellement par mon père », différentes sensations, ressentis sont remontés à la surface…
Savoir qu’il venait la nuit et que je « dormais », que l’intrusion était le plus souvent anale, qu’éveillée aussi parfois je devais toucher son sexe encore mou et le mettre dans ma bouche, que, même si il y a eu des épisodes espacés dans le temps entre ma naissance et mes 4 ans, c’est vraiment quand mes parents ont divorcé, j’avais 4,5 ans, qu’il s’est acharné sur moi, et ce vraisemblablement jusqu’à mes 11/12 ans.

Hier, le grand écran des souvenirs s’est activé. Je n’avais jamais « réceptionné » une séquence aussi longue :
Je suis dans ma chambre, les volets sont fermés mais il fait jour, le soleil passe par les fentes et pose des raies de lumière sur le papier peint fleuri et la moquette mauve/violette. Il veut me maintenir assise de force sur une chaise, car assise sur cette chaise je suis à la hauteur de son sexe, j’essaye de me relever malgré tout. Il est énervé, je sens que la maison n’est pas vide, si je fais trop de bruit, il est en danger. Il finit par me repousser violemment et je tombe de la chaise.

Hier j’ai compris, ce jour-là je lui ai dit « stop »…
Hier, j’ai compris que, parce que dans ma vie d’aujourd’hui j’apprenais à dire « non », que je m’efforçais d’écouter MES envies et non de répondre intuitivement à celles des autres, que je sortais du schéma « abuseur-abusé »… que mon inconscient avait fait remonter ce souvenir : je suis prête à entendre, accepter que c’est moi qui choisis, que c’est moi qui décide…

Je l’ai payé très cher ce «  stop », ce « non », que j’ai osé dire à 12 ans car il est alors passé par une autre forme de perversité et a basculé vers l’humiliation publique. Même si les contacts physiques ont cessé à ce moment-là, il a fallu encore de nombreuses années avant que je ne sois plus sous son emprise…

Hier, en larmes, je disais à mon mari que comprendre que j’avais pu lui dire « stop » était un signe que je pouvais tout réaliser, car à cet instant précis, quelles qu’en soient les conséquences, j’avais osé… et je l’ai tellement payé que j’ai oublié que j’avais eu cette force, que cette force était en moi, depuis toujours et pour toujours…

Je me suis re-connectée à cette partie de moi qui a décidé de vivre malgré tout ! Car oui, si nous sommes encore en vie après avoir été violé-e-s enfants, c’est bien parce que nous avons une putain d’envie de vivre malgré tout, une putain de force de nous battre malgré le fait que tout a cramé à l’intérieur…

Je suis fière de la petite fille qui, à l’intérieur de moi, attendait depuis tout ce temps que je la vois enfin telle qu’elle est : une force de la nature, une guerrière courageuse qui va gagner, qui a gagné ! Comment n’aurait-elle pas gagné ? Elle m’a portée durant plus de 40 ans jusqu’à ce que je sois prête à me voir telle que je suis : forte et courageuse, jusqu’à ce que je m’extirpe de cette pression exercée sur mes bras qui m’empêchait de me lever de cette chaise, jusqu’à ce que je me souvienne que j’en étais capable.

Merci petite moi, tu déchires tout !