Bonjour Mesdames,
Si je me permets de vous écrire, bien que l’on ne se connaisse pas directement, même si nous nous sommes aperçues lors du débat organisé le 16 octobre dernier au Théâtre Antoine, c’est pour délivrer le message de mon « enfant intérieur », parce que j’ai compris hier que blotti, tout au fond de mes entrailles, elle hurlait à s’en faire exploser les poumons, que je m’adresse à vous…
Je suis une personne ordinaire. Je suis sortie de l’amnésie traumatique concernant l’inceste commis par mon père sur ma personne à l’âge de 46 ans. Ne pouvant me tourner vers la justice pour offrir à mon enfance meurtrie une reconnaissance des faits, prescription oblige, j’ai décidé d’écouter ma petite voix intérieure et de créer le blog « La Génération qui parle » pour accueillir les mots (maux) de celles et ceux qui voudraient partager leurs expériences dans le but d’encourager, de dépasser la douleur et de changer l’avenir des générations futures. Je devais montrer à la petite fille pétrifiée de peur à l’intérieur de moi que désormais elle n’avait plus rien à craindre car j’étais là pour la protéger…
Le chemin de la reconstruction est loin d’être facile mais dans cette aventure j’ai eu l’immense chance et le privilège de rencontrer de magnifiques personnes et, ensemble, nous luttons pour défendre ce qui nous paraît être le minimum pour changer la non-considération de notre société envers le fléau de la pédocriminalité, et faire évoluer les mentalités dans le bon sens, celui de la protection de l’enfance et de la prise en charge (et la reconnaissance) des adultes ayant survécu au fait d’avoir été « explosés » de l’intérieur.
Samedi 11 novembre, j’ai pris connaissance, comme tout le monde, de cette affreuse nouvelle : une enfant de 11 ans était déclarée consentante à propos de relations sexuelles avec un adulte de 22 ans. Je n’arrive encore pas, quatre jours après, à décrire précisément ce que j’ai ressenti en apprenant cela… J’étais comme éparpillée, disloquée… Devant rédiger des textes à livrer en urgence pour un client, j’ai dû déployer une énergie démentielle juste pour rester dans ma tête et pouvoir travailler.
Dimanche 12 novembre, les gens en parlent… tellement c’est fou… Et je confie à une amie, que je croise ce jour-là, « c’est dingue le message que l’on envoie inconsciemment à toutes les personnes qui ont été violées durant leur enfance : tu étais certes une enfant mais tu n’as pas dit non, tu l’as donc bien cherché en fait »
Plus tard dans la journée, je découvre que vous, Madame Schiappa vous dévoilez sur une chaine de télévision qu’actuellement la loi ne protège pas les enfants et qu’une proposition de loi pour reconnaître l’âge du consentement sexuel entre 13 et 15 ans est à l’étude… Mon cerveau entend une seule chose : « 13 ANS !!! »… Je suis en France, pays dit des droits de l’Homme, et un membre du gouvernement pense « rassurer » la population en avec une mesure pareille ? Va-t-on pouvoir se marier à 13 ans aussi, alors que nous le dénonçons quand d’autres pays pratiquent le mariage des enfants pour permettre à des hommes d’avoir des relations sexuelles avec des petites filles ?
En fin de journée, je sens des tiraillements dans le bas de mon ventre.
Lundi 13 novembre, la presse relate maintenant vos propos, Madame Belloubet, vous annoncez que concernant l’âge minimum de consentement à un acte sexuel : 13 ans est « envisageable »…
Je m’aperçois dans l’après-midi que j’ai des saignements.
Le soir, je partage mon inquiétude avec mon mari « C’est bizarre j’ai des saignements alors que ce n’est pas la période… » Et au moment où je prononce cette phrase, je comprends… et les larmes coulent sur mes joues et je lui explique :
« J’ai compris, c’est comme si samedi, en déclarant la petite Justine consentante, on m’avait dit que j’étais d’accord pour que mon père me viole » et le fait de prononcer cette phrase a enclenché toute une série de symptômes : Spasmes, contractions, douleurs aigües dans le bas du dos, démangeaisons cutanées, larmes… Dès que je fermais les yeux pour essayer de me calmer et respirer profondément, des images d’adultes en rond autour de moi petite fille, en train de rire et de se moquer de moi avec méchanceté ; j’étais comme une enfant qui essaye de se défendre en fendant l’air avec un sabre bien trop lourd à porter pour elle… Au bout de 45 minutes de cette lutte, je n’ai vu qu’une seule solution : m’endormir pour sortir de cet enfer. Je me suis allongée sur mon canapé et j’ai presque instantanément sombré, je me suis endormie pour ne plus subir, je suis « partie » comme on peut le déclencher en cas de chocs traumatiques…
A mon réveil, ma petite fille intérieure avait compris que je l’avais entendue, et je lui ai fait la promesse de vous écrire pour parler en son nom, mais plus encore au nom de toutes celles et tous ceux qui ont vécu la même horreur que Justine dans leur enfance, celle d’avoir été violé par un adulte, à qui on dit de façon dissimulée : « Tout cela est arrivé parce que tu étais consentant-e ! »
Je vous prie de croire, Mesdames, que cela n’est pas de gaité de cœur que je partage dans cet article les détails de ma vie intime…
Que ce soit de façon imagée ou réelle, nous sommes des milliers de femmes et d’hommes à « saigner » depuis que Justine a été déclarée consentante et que vous enfoncez le clou en déclarant que 13 ans c’est bien assez grand pour avoir des relations sexuelles avec un adulte (!!)… Flavie Flament aurait donc pu être déclarée potentiellement consentante d’avoir couché avec Hamilton parce qu’elle ne lui a pas ouvertement dit non ?
En faisant partie d’un gouvernement qui laisse la justice de son pays condamner une fillette de 11 ans à ne pas avoir de bourreau alors qu’elle a été violée par un adulte, quand vous annoncez qu’à 13 ans on est assez mature pour avoir des relations sexuelles avec un adulte, quand vous vous cachez derrière une soi-disant incompatibilité avec notre constitution pour nous dire que l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur enfants n’est pas envisageable, que les projets de loi pour l’instant envisagés ne mentionnent pas encore clairement la prise en compte de l’amnésie traumatique…
Quel message croyez-vous envoyer aux milliers d’enfants, aujourd’hui devenus des adultes, dont l’innocence a été brisée par un-e prédacteur-trice sexuel-le et qui se battent tous les jours pour essayer de vivre heureux avec leur histoire fracassée ?
Je vais vous le demander aussi simplement que vous le demanderait un enfant : « Pourquoi tu m’abandonnes encore une fois ? »
Oh je suis profondément touchée par ton témoignage Anne Lucie, tellement il me fait écho.
J’ai eu la même réaction que toi: 13 ans?!? Moi qui ait embrassé de manière consentante à 15 ans pour la première fois et eu un rapport sexuel consentant à 17 ans et demi. Je ne peux qu’être en colère, triste, dégoutée par la justice, sans oublier mon éducation qui était contexte à l’inceste.
Dimanche, j’ai eu une violente douleur pelvienne alors que je n’étais plus dans la période des règles. Mon enfant intérieur m’envoie des signaux de sa souffrance et quand je prend son parti, j’en prends soin comme un bon parent, cette souffrance s’apaise.
Aujourd’hui, je me rends à la manifestation place Vendôme pour elle, pour que ces aberrations cessent.
Bravo et Merci Anne Lucie cette magnifique initiative qu’est ce blog.
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Merci Leticia ! Bravo à vous aussi !! Un seul objectif : La VICTOIRE 🙂
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Pour nos enfants intérieurs à nous tous et pour tous les enfants tout court : merci.
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Merci beaucoup pour votre message 🙂
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Le manque d’imprescriptibilité et l’âge minima de l’enfant à 13 ans sont encore une protection pour les prédateur,les familles la société en général. Comment peut on laisser croire qu,un enfant de 11 ans est consentant… Ce qui lui arrive est incompréhensible, impensable, comment ses fillettes peuvent elles se reconstruire et vivre après un tel verdict. Que peut faire la justice pour elles, et toutes les autres ?
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déjà 15 ans, c’est très, trop jeune alors 11, 13 ans, ce sont des toutes petites filles, que savent elles de l’acte sexuel? on ne peut être consentant qu’en pleine connaissance de cause, alors peut’on plaider l’ignorance pour un préjudice matériel subi pourquoi dénie -t-on ce droit à un enfant ignorant…
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Merci pour cette lettre. IMPRESCRIBILITE c’est ce que nous demandons.
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Bonsoir,
Je comprends votre inquiétude et ce que cela peut vous faire ressentir en tant que victime d’abus et je respecte votre opinion, mais je crois qu’il y a une incompréhension quelque part.
Cette loi est faite justement pour que le cas de la petite Justine ne se reproduise plus. Cette loi veut dire que si un adulte a un rapport sexuel avec un enfant de moins de 13 ans cela sera automatiquement considéré comme un viol car on va partir du principe que l’enfant ne peut pas réagir puisqu’il ne comprendra pas ce qu’il se passe. Mais ça ne veut pas dire que tout les pédophiles pourront se ruer sur les enfants de 14 et 15 ans. Je suis d’accord que ça peut sembler jeune, mais au dessus de 13 ans je suis désolée de vous le dire, mais on a un peu conscience de ce qu’est la sexualité. Cette loi part du principe qu’en dessous de cet âge on ne peut pas parler de consentement parce que l’enfant n’a pas conscience de ce qu’est la sexualité donc en cas de « rapport sexuel » (pour ne pas dire abus/viol/agression) avec un enfant de moins de 13 ans (désolée de la redondance mais j’essaye d’être clair et je ne suis pas très douée ^^’) il y aura forcément viol. Mais je le répète ça ne veut pas dire qu’au dessus de cet âge il n’y aura plus de viole seulement les « enfants » seront en âge d’émettre un consentement.
Je sais que c’est jeune, personnellement j’ai eu mon premier rapport sexuel à 18 ans, mais à 13 ans on est en quatrième et on a des cours d’éducation sexuel et je vais peut être vous choquer mais je connais des garçons comme des filles qui ont eu des rapports sexuels à 14/15 ans. Parfois avec des majeurs. Et ils savaient parfaitement ce que c’était.
Cette loi ne dit pas que la majorité sexuelle va être baissé, elle protège seulement les enfants pour que le cas de la petite Justine ne se reproduise pas.
Un viol reste un viol peu importe l’âge et cette loi ne légalise pas les rapport avec les mineurs, ça permet simplement de protéger les enfants. Mais si deux gamins de quinze ans veulent avoir des rapports et bien il n’y aura pas forcément viol puisqu’à quinze ans on a conscience de ce que c’est.
Désolée si je peux en choquer certain-e-s mais je trouve ça dommage que cette loi soit si mal reçu alors qu’elle veut éviter les cas comme ceux de Justine. Elle n’est certes peut être pas parfaite et elle mériterait d’être réétudié vu les réactions mais il faut aussi bien comprendre les choses.
Bonne soirée.
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Merci pour votre message. Tout d’abord cette loi « n’existe » pas encore et c’est bien pour cela que l’on se mobilise 😉
On parle de consentement avec un « adulte », pas si 2 gamin de 14 ou 15 ans couchent ensemble. On parle justement comme vous dites de protéger les Justine et les Sarah d’être déclarées consentantes à 11, 12, 13, 14, 15 ans en cas de relation sexuelle avec un ADULTE et que le viol ne soit matière à débat. Dans les faits la majorité sexuelle est culturellement déjà à 15 ans, ce qui veut dire que déjà on ne devrait pas avoir ce débat, parce que normalement un adulte qui couche avec un enfant de moins de 15 ans devrait déjà être sanctionné…
Le fait que nous soyons plusieurs à nous « battre » pour que l’âge de « consentement sexuel » ne soit pas possible en dessous de 15 ans, n’a rien à voir avec le fait que nous ayons été victimes, ou pas, de pédocriminels mais bien pour protéger les générations futures, nos enfants, quand on voit aujourd’hui qu’en moins de 3 mois 2 fillettes ont été déclarées consentantes…
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Oui vous avez raison c’est vrai que la loi n’existe pas encore et excusez moi d’avance si mon commentaire a pu vous blesser ou si j’ai pu associer le fait que vous vous battiez contre cette loi avec votre passé.
En tous cas merci de votre réponse 🙂
Dans le fond je suis d’accord avec vous, c’est vrai que 15 ans ce serait bien pour parler de consentement puisque c’est aussi l’âge de la majorité sexuelle. Mais la encore la majorité sexuelle ce n’est qu’un chiffre et certain-e-s ados se sentent près à passer à l’acte avant cette majorité. Après je suis d’accord que déjà de base un adulte ne devrait pas penser à avoir des rapports avec un-e mineur-e mais ce qui me dérange c’est que de base cette loi est faite pour protéger les mineurs justement et que j’ai l’impression que les gens l’ont un peu mal comprise (je ne prétends pas tout mieux savoir mais j’exprime ce que j’ai compris de mon côté). Au dessus de 13 ans, si on prends les choses de manières logiques, les ados peuvent exprimer un consentement puisqu’ils sont confrontés à la sexualité donc on ne peut pas parler systématiquement de viol si rapport il y a eu avec un adulte. Mais on peut toujours parler de viol quand même. Un viol est un viol la on parle seulement de l’expression du consentement et à 14 ans certains ados en sont capables. Mais ça ne veut pas dire que je cautionne les rapports entre des adultes et des mineurs attention ^^’
Seulement je trouve que cette loi est pertinente puisqu’en dessous de 13 ans on ne se posera même pas la question, ce sera forcément un viol, donc on protège les enfants victimes non ? Puisqu’il ne pourra plus y avoir d’affaires comme celles qui se sont révélés ces derniers jours.
Bonne soirée
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13 ans… C’est très très très jeune…Faisons en sorte de ne plus nous poser la question en dessous de 15 ans et ce sera bien plus protecteur pour les enfants. Peut-on douter du fait que Flavie Flament n’était pas consentante avec David Hamilton, par exemple ? Une limite à 13 ans, ça veut qu’à 13 ans et 1 jour, on ne sera plus protégé et qu’il faudra prouver que l’on n’était pas consentant… Beaucoup trop jeune de mon point de vue.
Bonne nuit 🙂
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Merci Anne-Lucie. Tu es juste, direct, belle et courageuse. Je suis très touchée.
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Merci beaucoup pour ton message qui me touche en retour 🙂
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