J’ai survécu à une agression sexuelle d’un membre de ma famille
Heureusement pour moi, cela ne s’est produit que deux fois. J’étais très jeune, j’avais autour de 5 ans, c’est mon cousin d’un an plus vieux qui a perpétré ces actes. Heureusement pour moi aussi, nous n’avons jamais vécu dans le même pays, donc c’est arrivé pendant des vacances en famille à l’étranger. Sinon, je pense que cela aurait pu se produire dans beaucoup d’autres cas. Je n’essaie vraiment pas de minimiser ma propre expérience, mais plus j’entends parler d’agressions sexuelles intrafamiliales, plus cela semble pouvoir durer des mois et des années pour beaucoup de victimes. C’était néanmoins traumatisant pour moi, je me souviens m’être sentie complètement gelée, hors de mon corps, et il m’a fallu des années pour me souvenir de ces événements.
En apprenant à mieux connaître ce côté de ma famille paternelle, il semble y avoir au moins trois générations de toxicité familiale et de traumatisme chronique, d’alcoolisme, de violence sexiste, et en tant qu’adulte maintenant, je comprends dans quel contexte mon cousin m’a fait cela, comment il a pu répéter ce qu’il a vu, ce qu’il a capté, dans quel environnement il se trouvait. Ce que je comprends aussi, ce que j’ai appris de ce même environnement à un si jeune âge, c’est de ne pas parler de telles choses. Déjà deux générations avaient vécu dans un silence insupportable. Je comprends que la violence et le silence vont de pair lorsqu’il s’agit d’un élément aussi ancré dans un système familial.
En 2017, une vague #metoo est arrivée. À l’époque, je n’avais pas encore eu le courage de parler des agressions sexuelles spécifiques de mon cousin de la même façon que j’ai pu partager comment certains hommes autour de moi n’ont pas agi correctement. La violence sexuelle est déjà un énorme tabou, si on y ajoute l’inceste, c’est encore pire.
Je pense que pour ma part, le silence a été plus blessant que l’acte lui-même. La honte que j’ai enfouie à l’intérieur était pire que l’acte également. La leçon que j’ai portée pendant si longtemps a été bien plus néfaste que ces quelques minutes d’enfer : les gens qui sont censés vous aimer peuvent vous utiliser, peuvent vous briser, l’amour est complètement conditionnel. Toute ma constitution d’adulte peut aujourd’hui et fort heureusement être bienveillante envers l’enfant que j’ai été et les conclusions que j’avais tirées de ces expériences. Aujourd’hui je vais bien. Je laisse également la honte, je laisse le silence, et je consacre ma vie à mettre fin à la violence intergénérationnelle. Je suis fière et je ne m’excuse pas, je m’éduque, je vais en thérapie, je me sens entière.
J’ai une voix maintenant.
Anonyme