La fleur de Soi
J’ai pu deviner puis retrouver ce fond vibrant en moi en traversant l’épreuve de ma mémoire traumatique.
L’immensité de la tragédie, du non-sens de ces violences, de l’utilisation de nos corps d’enfants, de notre innocence semblait avoir tout abimé.
Pourtant, bien cachée, une petite fille en moi tenait à bout de bras l’essentiel qui ne devait jamais s’abandonner. Je l’ignorais si longtemps.
Restée intacte, une chaleur me maintenait dans une respiration secrète, protégée de l’abominable. Dans l’attente que j’en prenne conscience.
Je n’étais plus entière avec cette part dissociée qui, en masquant certains de mes souvenirs, m’enfermait dans une sorte de prison dont je n’apercevais plus les barreaux.
En fuyant ce morceau traumatisé, il y a bien d’autres choses auxquelles je n’accédais plus.
La joie pure et spontanée sans motif en était une.
Le sens d’une sécurité intime qui libère là où la paralysie et les peurs figent.
Ces petits riens savoureux détenteurs d’un goût de vivre intense.
Sont survenus ces flashs plus précis, ces indescriptibles horreurs.
Je réalisais que je n’avais jamais pu admettre leur présence jusque-là.
Ils se manifestaient depuis toujours sans doute dans une sorte de brouillard qui les maintenait à distance. Je n’apercevais pas ou ne pouvais pas voir ou ne voulais pas. Je ne sais pas vraiment.
Quand j’ai pu accéder à ce puit noir en moi, une fleur a poussé en même temps.
En la ressentant, en avançant avec elle, ses racines ont plongé aux creux de la Terre et de mon être, puisant des bonheurs inattendus.
Sur cette boue s’est mis à croître un bout de mon enfance qui a conservé le rêve originel.
Ancrée, la tige s’est épanouie, les pétales se sont déployés voluptueusement.
Attirée par la lumière, elle a poussé de toute sa sève enfin réchauffée par de l’amour et du respect.
Enterrée, elle préparait cette germination pour offrir son parfum unique.
Je revivais les pires en même temps que fleurissaient les meilleurs de mes jours.
C’est ainsi que j’ai pu ressentir une force et un équilibre inattendu.
Cette floraison, c’est sans doute celle de mon âme qui donnait sens à mon itinéraire.
Avec elle, avec l’âme du Monde, je peux, aujourd’hui, aller très loin.
La vie a retrouvé sa magie.
L’âme murmure un poème sans fin d’où s’alimente cette fleur en moi.
Cette fleur de Soi.
Anne Fernandes
Anne Fernandes est l’auteur du livre « De lettres à l’être », que vous pouvez vous procurer ICI et ICI. Vous pouvez découvrir ICI son interview audio sur ce blog. C’est avec plaisir que nous accueillions ces textes sur le blog, dans la rubrique « L’Or des cicatrices »