Chers frères et soeurs de banquise, mais aussi activistes contre la pédocriminalité,

J’avais envie de choisir « La génération qui parle » pour m’exprimer auprès de vous, forcément,  ça a du sens, c’est un blog qui nous unit.

Et justement, c’est pour cette notion que je m’exprime, L’UNION.

Je dois admettre que ces dernières semaines ont été compliquées, avec les nominations et les César de Polanski, avec ces attaques contre #metoo, ces attaques contre les hommes et les femmes qui dénoncent les harcèlements, les « attouchements » même si je déteste ce mot et qui sont systématiquement renvoyés à cette phrase : « ça va! C’est pas du viol ».

Il est difficile d’admettre que la société française peut éventuellement lutter contre les viols avec pénétration mais que finalement, les autres, crient « Au loup » pour pas grand chose (sans mauvais jeu de mot) , nous sommes donc relégués au statut d’hystériques alors que nous demandons de régler les violences à la racine.

OK…

Mais ce n’est pas vraiment pour cette raison que je vous écris, ça, c’est un constat douloureux, une période douloureuse, on s’en remettra, comme toujours.

Je vous écris car il m’arrive de recevoir des commentaires sur les réseaux sociaux qui mettent en doute la nature de mon engagement, comme si j’avais quelque chose à gagner de défendre cette cause et de parler haut et fort.

Comme une forme d’opportunisme finalement…

Je ne peux pas vous cacher que ça me blesse, du coup, je tiens à vous expliquer certains faits, que ce soit limpide.

Je n’avais RIEN à gagner de ne pas aller aux César comme on me l’a proposé pour remettre un prix, j’aurais pu faire des photos sur le tapis rouge, serrer les pinces de nombreux financiers car Eric et moi sommes en phase de demande de financement de notre deuxième film. J’aurais pu me taire, faire profil bas et aller faire des mondanités. Eric et moi nous avons refusé, par conviction.

Je n’avais RIEN à gagner de critiquer systématiquement les décisions prises par le gouvernement en ce qui concerne les violences sexuelles et la loi Schiappa. J’avais mes petits papiers à l’Elysée, c’était simple, fluide, j’aurais pu me taire, faire avec, continuer à avoir un rapport très privilégié avec le pouvoir. J’ai pris mes distances, par conviction.

Je n’ai RIEN à gagner d’interpeller la députée Alexandra Louis. Les agressions sexuelles que j’ai subies ont été jugées en cours d’assises, j’ai été reconnue victime de viol avec pénétration, l’agresseur est parti en prison, j’ai concrètement sauvé des petites filles, ça fait partie intégrante de ma reconstruction. Malgré ça, je tiens à appartenir au groupe de ceux et celles qui veulent faire avancer la loi et intégrer un amendement sur l’amnésie traumatique, par conviction.

Je n’ai RIEN à gagner de déclarer haut et fort qu’il est honteux que Polanski soit couronné de César. Encore une fois, j’appartiens désormais au monde du cinéma, j’écris des projets, j’ai l’ambition de développer une filmographie avec mon binôme Eric Métayer, je n’ai PAS la puissance de carrière d’Adèle Haenel! Je pourrais me taire, laisser faire les autres, ne pas prendre le risque d’agacer des gens qui pourraient éventuellement financer mes projets. J’ai parlé dans les médias, affiché mes opinions, par conviction.

Alors mes amis, ce n’est pas ça l’opportunisme.

Je vous demanderais de ne jamais douter de la sincérité de mon engagement, aujourd’hui, il n’y a que l’union qui peut faire avancer les choses.

Chaque personne ayant été victimes de violences sexuelles a le droit et la légitimité de s’exprimer et ce n’est parce que certains/certaines sont dans la lumière, qu’ils oublient leurs frères et soeurs de banquise.

Ayez confiance, soyons unis.

Andréa Bescond

©photo : Christophe Le Dévéhat