Il y a 22 ans (j’ai aujourd’hui 52 ans), suite à une rencontre amoureuse, j’ai commencé à avoir d’énormes angoisses que je ne m’expliquais pas. Ces angoisses étaient très invalidantes et m’ont empêché de vivre ma rencontre de façon « normale ». J’étais si terrifiée que je me suis décidée à aller consulter un psychanalyste car je voulais comprendre « pourquoi ».
J’ai commencé un travail d’autant plus difficile que j’étais à mille lieues de me douter de ce que j’avais vécu. Mes parents, je n’avais rien à leur reprocher, c’est moi qui n’étais pas normale.

J’ai commencé à comprendre petit-à-petit que ma différence provenait, entre autres, du fait que ma mère m’avait toujours repoussée, rejetée… J’ai manqué cruellement de son amour, de sa protection. Je suis tombée en dépression, et les angoisses revenaient toujours. Après quatre ans de psychanalyse et d’un travail très douloureux au sujet des graves manquements de ma mère, j’ai finalement commencé à m’interroger à propos de mon père que je considérais comme le seul à m’aimer dans cette famille de quatre enfants. C’est vrai que mon père avait une préférence pour moi par rapport à mes deux sœurs, ce que je trouvais salvateur… face aux comportements de rejet de ma mère.

Lorsque j’ai remis en question l’amour de mon père, j’ai fait une véritable crise de nerfs (je tremblais si fort, je pleurais…) je pensais ne plus jamais pouvoir m’arrêter, tout mon corps tremblait tellement.

J’ai commencé à lever le voile très progressivement sur mon passé (que c’était douloureux !), certains gestes me revenaient en mémoire.
Pensant que j’avais enfin trouvé la raison de mon mal-être, j’ai arrêté ma psychanalyse..

Ce début d’année, j’ai dû la reprendre après avoir arrêté durant 17 ans (!). J’avais rompu avec mon partenaire et ne subissais plus d’angoisses.
Nous nous sommes retrouvés il y a un peu plus d’un an, et mes angoisses ont réapparu. Des infections urinaires également, comme quand j’étais petite. J’ai fait des analyses, consulté des médecins, tout semblait normal…pourtant je souffrais. J’ai été obligée de reprendre ma psychanalyse là où je l’avais laissée.

Un travail énorme m’attendait, comme quoi ce passé demandait à être éclairci si je veux vivre une vie de couple sereinement. En quelques mois j’ai découvert (enfin !) que mon père avait bien commis … l’irréparable, je n’avais alors que 2 ans. Je continue de creuser même si je me sens déjà un peu mieux (par moment). Mes humeurs changent d’une heure à l’autre, je suis entre la tristesse de la trahison et la colère !
J’y pense presque tout le temps, mon travail avance bien même si par moment je ne sais plus comment encore approfondir… Tous les souvenirs ne me sont pas revenus, mais est-ce possible de remonter 50 ans en arrière?

En lisant certains textes sur votre site, je comprends qu’il y a différents stades pour parvenir à la guérison, l’un d’entre eux étant de vivre la culpabilité « jusqu’au bout » afin de s’approprier notre histoire… Je ne comprends pas bien, excusez-moi. Coupables, nous l’avons été tant d’années…je l’ai été depuis mes deux ans… (je comprends d’ailleurs beaucoup mieux ma tendance à culpabiliser pour tout), est-il encore nécessaire que je culpabilise aujourd’hui ?
C’est une question que je me pose car comme je vous l’ai écrit plus haut, je suis entre la tristesse et la colère. Est-ce que j’emprunte le bon chemin, ou serait-il mieux que je me sente d’abord coupable pour ces deux monstres ?

Aline

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J’ai répondu ceci à Aline, quand elle a posé son témoignage sur le site :

« Nous ne sommes pas coupables ! De rien ! Mais « l’adulte » nous a « obligés » à garder le secret et une part de nous se sent coupable de l’avoir fait car l’adulte nous a souvent rappelé que nous étions son/sa complice. Reconnaître que nous nous sentons coupables est déjà un premier pas pour nous réparer à cet endroit et accepter que nous ne sommes pas coupable. On ne peut changer une situation que l’on ne « reconnaît » pas »

Peut-être avez-vous aussi des impressions à partager avec elle au sujet de la culpabilité ressentie ?

J’ajoute que nous avons pas à « guérir » de mon point de vue… nous ne sommes pas « malades »… C’est pourquoi je préfère dire que nous nous « réparons ».

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