J’ai 50 ans et depuis quatre ans mon père est mort.
Depuis trois, j’ai fini de le pleurer.
Depuis deux ans, je ne vais pas bien, une fois de plus.
Je retourne voir une psy encore.
L’impression que je ne quitterais jamais cet état dépressif chronique.
Je sais qu’il y a encore une souffrance qui demande à sortir.
La question c’est : est-ce lié à la lettre que j’ai retrouvé chez mon père, qu’il n’avait pas eu le temps de lire.
Mon oncle lui disait qu’il se souvenait de ses attouchements à l’âge de 7ans. Mon père en avait 20.
Je sais que cette lettre est peut-être la clef. Je l’avais mise de côté le temps de dire au revoir au père que j’aimais, avant d’écorner son image.
Je me rapproche de la vérité avec une nouvelle méthode la dynamique émotionnelle, et mes émotions m’emmènent vers la lettre.
Je ne vais pas assez vite à mon goût et je commence à lire des témoignages pour y frotter mon esprit.
Le premier flash se présente. Il présente une scène qui m’est étrangère. Mais il s’agit de mon père. Je le sais face aux mots qui ont fait sortir le flash.
Et puis, je le rapproche d’un soi-disant fantasme de mon enfance, puis d’un pseudo-rêve quand j’étais un peu plus vieille.
Tout s’éclaire et prend sens, mais m’est étranger.
Pourtant, le fait de mettre tous les éléments ensemble, fait casser l’armure : des larmes coulent, de gros sanglots, des spasmes d’une souffrance si longtemps enfermée.
Même si tous ces éléments me sont encore étrangers, je sais.
Point de fantasme, de rêve…
C’est lui, c’est moi et c’est notre histoire.
J’ai été victime d’un prédateur sexuel, mon père.
La thérapie ne fait que commencer et il est dur de s’approprier des souvenirs que mon esprit avait si bien maquillés. Ils sont sans visage, attribué à d’autres. Je ne me sens pas encore concerné sauf par cette vague d’émotion qui me submerge parfois.
Mon esprit rebloque plus loin et il faut forcer une nouvelle fois la porte avec des chansons sur le thème ou des témoignages.
Je sens que le chemin va être long mais j’attends de pouvoir enfin me réapproprier mon passé.
J’ai 50 ans et je veux rencontrer mon enfant intérieur.
Aggie
Illustration : Dessin à l’encre de Aggie
Courage.
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