« Ça a l’air de rien mais j’guéris, oui, petit à petit
Toi, tu vois pas bien mais j’te l’dis, moi j’guéris
»

Nous guérissons.
Ça prend du temps, tout ça, et de l’énergie. Mais je crois qu’on s’en sort pas trop mal.
Après ça. On passe notre vie à se regarder de travers. A se sentir en dehors du monde. Jamais à la bonne place. Trop ceci. Pas assez cela. Défectueux.
Après ça. On passe sa vie à se demander qui on aurait été si on ne nous avait pas cassé en pleine construction. Alors on répare comme on peut.
Après ça. On cherche, à tort, à se rassurer dans le regard de certains hommes.
Après ça. On se cherche en vain. On erre bien longtemps. On se perd trop souvent.
Après ça. On prend dix mille douches pour enlever la souillure. On se sent sale. Tout le temps. Salie. Salaud !
Après ça. On passe sa vie à chercher une justice, à courir après la reconnaissance.
Après ça. On cherche de l’amour. Partout où l‘on peut. Parce qu’on en manque. Parce qu’il faut colmater en nous. Tout ce vide de confiance. En soi. En l’autre.
Ce p’tit truc qui dérange.
Et puis parfois, jamais trop tard, même si le temps jusqu’à eux nous a paru long, on trouve de l’aide. Pour nous et pour ceux qui nous entourent. Ceux que notre silence a aussi affecté. Ceux que notre trauma a abîmé. Par dommage collatéral. Ceux qui nous aiment mais à qui notre histoire a tendu un piège. Celui de ne pas savoir comment faire. Comment nous aider. Comment nous aimer.
On retient qu’on a de la chance. De trouver ce chemin-là. Et de trouver des «tuteurs de résilience». Alors souvent, on pense à toutes celles qui n’auront pas eu cette chance-là. Celles qui s’enliseront dans la souffrance que c’est, que d’être violée. Niée. Tuée à l’intérieur de soi. Parce qu’elles n’auront pas croisé les bonnes personnes. Le viol est une arme, le silence et la honte en sont ses munitions.
On pense à elles. A eux aussi. On aurait envie de les trouver derrière des silences, des malaises, des «mal-être», des timidités. Parfois on les reconnait. Et souvent, on se reconnait. Entre nous….
A elles, à eux, on voudrait leur dire:
«  Chuchote, parle, crie, fais comme tu veux mais sors-le de toi tout ça, toute cette crasse, fais-en quelque chose de bien plus beau, transforme-le en énergie. Energie de vie !
Tu n’es pas seul(e) et rien n’est de ta faute. Sois juste fière d’être encore en vie. D’avoir tenu malgré le silence. Et malgré la souffrance. Tu n’es pas seul(e) et tu n’es pas victime à vie.
Nous n’avons plus à nous cacher
Parle, tu verras comme ça libère !
« 

Dire, c’est compliqué.
Dire, c’est faire exploser une bombe au sein d’une famille.
Dire, c’est voir nos parents porter la culpabilité de n’avoir rien vu, de les entendre se reprocher de n’avoir su nous protéger.
Dire, c’est devoir répondre à « Mais pourquoi tu parles maintenant ? Après tout ce temps ? ».
Dire, c’est devoir encaisser la remarque « Ça va, c’était il y a longtemps ! Maintenant, faut oublier, faut avancer »
Dire, c’est prendre l’ignorance des gens en pleine gueule.
Et pourtant, dire, ça sauve.

Aujourd’hui, on s’étonne de détester les silences. Les non dits deviennent insupportables. Nous, on veut tout dire et tout entendre. Nous, on dit tout. Tout le temps. Le silence voulait notre mort mais on a cette putain d’envie de vivre, alors oui, on va vivre fort, ça va faire un de ces vacarmes tout ça, les nuits seront courtes et les aubes merveilleuses, éclairant l’horizon.
On nous a trop empêché, on a tellement à rattraper!

Nous guérissons. Nous fleurirons.
Haut les cœurs !

Sonia

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