Me voici ici prête à partager mon histoire…

Aujourd’hui, j’ai le courage de témoigner ici, pour me libérer et peut être pour aider les victimes à mon tour.
Aujourd’hui, j’avance dans la reconstruction, mais il y a des moments plus difficiles que d’autres.
Jusqu’à il y a quelques mois j’étais encore dans la phase de déni mais je me suis pris tout en pleine face à la naissance de ma fille, qui a 15 mois maintenant, ainsi qu’au moment du décès de mon agresseur, en décembre 2017.

Remontons quelques années en arrière :
Mon agresseur était le copain de ma grand-mère, je le considérais comme mon grand-père car je l’ai toujours connu.
Mon père était peu présent à cause de son travail et mon agresseur a vite pris ce rôle : protection, amour, apprentissage…
Il était très présent dans mon quotidien. On se voyait tous les jours, il nous amenait partout car ma mère n’a pas le permis. On partait en vacances tous ensemble. Il jouait souvent avec moi : jeux de société, chanson, …
Lorsque j’ai eu 10 ans mes parents se sont séparés, j’ai été très fragilisée…

Un jour où j’étais chez lui, je regardais la télé dans le salon, il est arrivé et m’a demandé si je voulais jouer à un nouveau jeu.
Il m’a dit qu’il y jouait avec une fille (du côté de sa famille). Avec cette fille, nous étions en rivalité incessante. Il me disait que c’était pour m’apprendre les choses de la vie, que j’allais en savoir plus que ma grande sœur…
Je ne lui ai rien répondu sur le moment. Au moment de me ramener chez ma mère, dans sa voiture, je lui ai demandé si on allait faire ce jeu.
Et il a commencé…
Une deuxième fois, j’étais chez lui dans le salon, et ma mère et ma grand-mère étaient dans une autre pièce, juste à côté…
Il est arrivé et a voulu que l’on joue à nouveau…
Je n’ai pas réussi à crier, ni à dire quoi que ce soit d’ailleurs.
Quand il a eu fini, il est parti sans un regard, sans un mot…
J’ai rejoint ma mère et ma grand-mère, toute honteuse, mais je n’ai rien dit.
Puis la vie a repris son cours…

Je continuais de faire des activités avec lui, je rigolais, je l’appréciais.
Je savais au fond de moi qu’il y avait eu quelque chose de pas normal mais j’avais comme occulté, comme si ça n’avait pas existé.
Comme si c était arrivé à une autre Moi.

Les années ont passé.
Quand j’ai eu l’âge de 16 ans, ma maman a absolument voulu que je fasse la conduite accompagnée.
Mon papa ne pouvant pas le faire, il s est gentiment proposé …
Dès la première heure de conduite avec l’auto école, j’ai commencé à faire des crises d’angoisse derrière le volant.
Dès que je devais conduire, je n’étais pas bien : une boule au ventre, des envies de vomir, des crises d’angoisse…
Mais ma mère ne comprenait pas et m’engueulait, croyant que c’était des caprices.
Alors j’ai dû faire la conduite accompagnée entière avec LUI.

Alors, le souvenir a commencé à revenir. Je me disais que ce qui s’était passé il y a quelques années n’était pas normal.
J’ai commencé l’auto destruction.
Mutilation, alcool, garçons…
Vivre à 200 à l’heure pour que mon passé ne me rattrape pas, pour ne pas y penser, pour ne pas me regarder… boire pour occulter, coucher pour encore moins respecter mon corps et me mutiler pour faire ressortir toute cette haine !
Un jour, ma mère a vu que je me mutilais. Elle a pleuré pendant des jours en disant que je la faisais souffrir !
Puis j’ai rencontré mon copain, le papa de ma fille. Grace à lui, et pour poursuivre mes études, j’ai réussi à partir de ce « cocon » destructeur.
J’ai commencé à vivre pour moi.
Mais les blessures étaient là.

J’ai réussi à avoir mon permis, mais j’ai développé la phobie de conduire, ce qui me gâche la vie encore aujourd’hui.

Je voyais toujours mon agresseur, je jouais un rôle, le rôle de « tout va bien dans le meilleur des mondes »…

Puis je suis devenue maman en juin 2017. Quand il a pris ma fille dans ses bras, je me suis sentie très mal. Je n’avais jamais ressenti une telle haine en moi.
Mais je n’arrivais toujours pas à parler.
J’ai commencé à tomber en dépression.
Ma puce l’a ressenti, si bien qu’aujourd’hui elle est très sensible.

En décembre 2017, mon agresseur est décédé.
Ça été un tel soulagement pour moi !
Mais je ne pouvais me  » réjouir  » de sa mort alors que ma famille était si dévastée !

Je suis une thérapie depuis 2015 par rapport à mes angoisses… mais j’ai réussi en décembre à révéler à ma psy ce trauma.
Nous travaillons beaucoup, sous hypnose, traitement oculaire …
Mon compagnon est aussi maintenant au courant. Mais voilà, pour le moment personne d autre ne le sait.

Aujourd’hui j’essaie de reprendre le contrôle de cette histoire et ne plus lui laisser le pouvoir de diriger ma vie !
Mais c’est encore difficile pour moi de me sentir pleinement innocente.
Ma famille chante ses louanges, me rappelle sans cesse qu’il était si généreux, qu’il faisait beaucoup pour moi et pour tout le monde.
Alors je me demande si ce n était pas aussi un peu ma faute.
Et puis, être en totale contradiction avec ma famille c’est difficile.
J’aimerais en parler pour être enfin libérée mais j’ai si peur qu’on ne me croie pas, qu’on me juge coupable ou ignoble de dire des choses comme ça.
Ai-je la force de subir tout ça ?

J’aimerais tant être heureuse, libre, légère. Avoir confiance en moi, retrouver l’estime de moi.
Et ne pas penser comme beaucoup le pensent : que je suis une peureuse, une pute (vu mes relations avec les garçons quand j’étais ado), une fille à problèmes et qui ne fait rien pour s’en sortir à part se plaindre…

Prochaine étape pour moi, aller voir le film  » les chatouilles » d’Andréa Bescond.
Après avoir vu son spectacle, j’ai hâte de voir le film, en espérant que ça me donne le courage de parler.

Voilà. Avoir livré mon histoire ici fait déjà beaucoup de bien.
Pardon pour le long texte.

Et surtout soutenons-nous, c’est important ! On n’est pas seul !

 

Témoignage anonyme