Que c’est difficile de parler… Va t-on m’écouter ? Qu’allez vous penser de moi ? Que de questions sans réponse ….
Je croyais tout ça oublié, bien enfoui, bien caché et tout m’a explosé en pleine gueule un jour d’Avril 2016, où j’ai fait ce qu’on appelle un Burn Out. Trop de choses que mon corps et mon esprit n’arrivaient plus à gérer. J’avais déjà croisé des chemins de thérapeutes qui m’avaient aidé à faire face, mais nous n’avions pas fini le travail…
J’ai 48 ans depuis quelques jours, j’ai perdu ma maman il y 4 mois. Je n’ai jamais pu lui raconter mon histoire, j’avais trop peur de la faire souffrir, je lui ai juste glissé un mot dans son cercueil, mais est-ce suffisant ? Je ne peux pas non plus en parler à mon papa.
J’en ai parlé à ma sœur mais sa réaction m’a mise plus en colère encore : « Toi aussi » m’a t elle dit – « Comment ça, toi aussi ? Tu savais ? Tu n’as rien dit ? On a 7 ans d’écart, tu aurais pu en parler, ou faire comprendre aux parents de ne pas me laisser seule avec lui, ou au moins en discuter avec moi… »
Je me suis sentie trahie ; elle m’a demandé « Mais que t’a-t-il fait à toi ? Des caresses comme à moi ? » – « AH NON NON, ai-je hurlé, moi il m’a violée ».
Lui c’était mon parrain et notre voisin.
Je ne me souviens plus exactement de mon âge ni de combien de temps ça a duré. L’amnésie sûrement, mais j’ai toujours ces images dans ma tête.
En 2016, tout a explosé. Ma marraine (son épouse) est décédée. J’étais la seule soi-disant héritière, mais une nièce de mon parrain, avec qui elle n’avait pas eu de contact depuis au moins 50 ans, est réapparue. Dans mon héritage, un appartement inhabité depuis au moins 15 ans, qui était le lieu de mes viols… Le choc ! Quand il a fallu rentrer dans la chambre, démonter le lit, ce fameux lit, tout est revenu… Je n’ai pas su faire face.
Longtemps, j’ai cru que c’était de ma faute, que c’est moi qui devait faire que… Je crois même que j’ai connu mes premiers plaisirs avec lui, j’ai encore honte de ça aujourd’hui. Lors de mes premières relations avec mes amoureux, j’avais tellement de mal à me laisser aller. En fait, j’avais toujours ses mains à lui et sa bouche qui parcouraient mon corps, et moi qui étais obligée de l’embrasser, de le sucer, de le caresser, de le sentir jouir. C’est pour cette raison que je me suis confiée à mon mari pour qu’il comprenne que, pour moi c’était difficile, mais, comme il est extraordinaire, il a été patient et compréhensible et il est toujours à mes côtés à m’épauler et me soutenir.
Je suis désolée de mon vocabulaire mais PERSONNE n’a le droit de Voler la vie d’un enfant comme ça.
Pourquoi je n’ai pas su dire NON comme je sais si bien le dire aujourd’hui ?
Je suis devenue une femme avec beaucoup de colère en elle et qui n’accepte pas que l’on face du mal à ses enfants. Personne n’a le droit de les blesser, ni dans les gestes, ni dans la parole. Je me suis beaucoup fâchée, avec des amis, ou pas d’ailleurs, à cause de ça. On m’a souvent dit « Tu les défends trop » et aujourd’hui, je suis fière de dire qu’il n’y a jamais de trop, j’ai fait de mon mieux.
Je n’accepte pas le mensonge ; les cachotteries, on se demande bien pourquoi…
J’ai raconté mon histoire à mes enfants : 1 fille et 2 garçons pour qu’ils comprennent ma colère.
Je suis toujours en thérapie, le décès de ma maman m’a montré que je n’étais toujours pas guérie de tout ça… Ça fait plus de 40 ans que je porte mon fardeau sur le dos et il devient de plus en plus encombrant. J’ai juste envie de le poser, de le laisser et de l’oublier… Je me suis souvent cachée derrière des sourires et des rires, c’est ma façon à moi de montrer que tout va bien mais ça ne suffit plus.
La mort de cet homme n’a pas suffi à me faire oublier qu’il est décédé il y a plus de 10 ans…
A lire vos témoignages, je me dis que c’est encore possible de vivre normalement.
Voilà j’ai posé les mots. Désolée, ils sont un peu partis dans tous les sens mais ça fait du bien.
Merci de m’avoir permis de poser ces mots. Je voudrais qu’ils puissent aider à ce que plus personne ne subisse ça. J’ai toujours eu, au cours de ma vie, des moments où je souhaitais mettre fin à mes jours. Ce n’est pas Vivre, être comme ça, c’est survivre…
Aujourd’hui, on nous prive de liberté et tout le monde s’insurge à cause d’un virus, mais que fait-on pour ces enfants qui subissent ces gestes dans le silence et doivent vivre avec toute leur vie ?
J’ai la chance d’avoir rencontré des personnes extraordinaires qui m’ont aidée et fait connaître LA GÉNÉRATION QUI PARLE, alors MERCI à elles et à VOUS.
Anonyme.
Oui Parlons , parlons. Il faut que les masques tombent… la honte doit changer de camps. L’impunité doit cesser…J’ai commencé à écrire mon histoire , publié sur le forum du Monde à Travers un Regard mais pour le moment je suis un peu bloquée dans l’écriture… Je témoigne à présent dans les journaux, radios qui se manifestent.
Que chacun de nous s’autorise à parler pour trouver son être profond qui s’est tant tu…
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Très émouvant témoignage, merci.
Pour que plus aucun enfant ne subisse ce que nous avons vécu. 🙏
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