« Ça arrive aussi aux garçons »
Cette phrase est le titre d’un livre du sociologue canadien Michel Dorais. Le sous-titre est : L’abus sexuel au masculin. J’ai repéré ce livre dans une librairie. Je ne connaissais ni l’auteur, ni le contenu du livre, ni même son thème. Mais, en lisant furtivement cette phrase sur le dos du livre, j’ai tout de suite compris de quoi il retournait. L’auteur y compile des témoignages d’hommes ou de jeunes gens ayant subi des agressions sexuelles de la part d’autres hommes, souvent des membres de leur famille, ou des proches. Les témoins évoquent eux-mêmes, de façon très franche, les dégâts psychologiques ultérieurs.
La lecture de ce livre fut éprouvante, j’avais hâte d’en sortir, mais elle m’a permis de prendre conscience de l’origine de mon malaise existentiel et de mes échecs relationnels.
1974 .
J’ai dix ans. C’est la fin du mois d’août, le moment des retours de vacances, où l’on a hâte d’aller les raconter à ses copains. Ce jour-là, je ne suis pas tombé sur mon meilleur copain mais sur mon pire ennemi, en la personne d’un « grand » d’une vingtaine d’années. M’ayant informé de l’absence de mon copain, il me propose d’aller dans la cave de l’immeuble où se trouvent des motos, ma passion de l’époque (mon père en possédait une). Confiant et intrigué, je le suis au sous-sol, jusqu’au bout d’un couloir bordé de portes en bois brut. Il me fait entrer dans une cave. Je me retrouve dans une pénombre totale. Je ne vois que du noir. Aucune moto donc, mais une porte qui se referme et des paroles inquiétantes. Il est question d’une demande à laquelle je dois céder, comme l’ont fait les autres garçons du quartier. Il me cite des prénoms que je connais. Je suis surpris. Ils sont nombreux, et certains plus grands que moi. Pourtant je refuse obstinément de céder, sans savoir précisément encore ce qu’il veut ou le pressentant vaguement, sans que ça prenne une formulation explicite dans mon cerveau.
Le temps passe, de longues minutes, une heure peut-être. Il est patient, il sait ce qu’il fait. Puis me vient l’idée salvatrice que tout enfant doit avoir à l’esprit : « Je vais le dire à mon père … ». La réponse brise net mes dernières défenses psychologiques : « Si tu parles, ton père, je le tue avec un pistolet que je jetterai ensuite dans un égout ».
Je vois une main soulevant une grille d’égout, jetant l’arme et refermant la grille. Alors je cède, mes larmes se mettent à couler. Je protège mon père qui est là pour me protéger, normalement.
Il m’impose de le masturber et me fait subir la même chose. Je ne suis pas pubère mais je ressens quelque chose, une sorte d’excitation ?
Et puis, je m’enfuis, souillé, comme anesthésié, honteux. Je ne dis rien, ni à mon père, ni à ma mère. C’est totalement impossible, impensable.
La porte de la cave s’est refermée sur ce souvenir de pénombre.
Il va transformer par la suite, à l’adolescence, toute relation sociale ou amoureuse en source d’angoisse et de stress. Ce stress insurmontable, arrivant comme une vague, accompagné de battements de cœur qui me coupent le souffle et m’empêchent littéralement de parler, ne me laissant que la fuite comme issue. Ces crises de panique totalement incontrôlables ont été la trace du trauma dont aucun des nombreux psys consultés ensuite n’a été capable de soupçonner l’origine…
Anonyme
Merci
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Allez voir le site (US) 1in6 : son nom (1 sur 6) est la proportion de garçons violés dans l’enfance aux USA ; des viols privés, donc en famille le plus souvent. Diverses études convergent vers ce chiffre. Qq part sur le site, il y a la stat équivalente pour les filles : 1 sur 3 aux USA.
Un pays de tarés ? Il semblerait qu’en France, ce soit un peu moins pire : pour les filles comme les garçons le chiffre US serait la limite max d’une large fourchette d’incertitude, car il y a très peu d’études fiables en France.
Notez que la plupart des chiffres sur le viol ne concernent que les adultes (ou majeurs sexuels), souvent sans le dire : il faut donc y ajouter les viols d’enfants, encore plus nombreux que ceux d’adultes, surtout pour les mâles semble-t-il.
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A croire que seuls les hommes violent ! Et les femmes , elles sont toujours pacifiques? elles ne peuvent pas violer ? et ben si ! mais les socio truc chouette n’en parlent pas, ils n’ont pas idée d’aller voir du coté de ce sexe là. De toute façon , le livre ne se vendrait pas alors …
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Si cela arrive aussi, vous trouverez d’ailleurs sur ce blog des témoignages d’hommes et de femmes qui ont été agressés par des femmes. Il y en a moins, sans doute, et les témoignages sont moins nombreux. Car si il est déjà difficile de dire et d’être cru.e que l’on a été agressé.e par un homme, il est certain que cela l’est encore plus quand c’est par une femme, car la société est encore moins prête à accepter l’idée que des femmes aussi parfois agressent.
Les choses bougent, lentement mais elles bougent… gardons espoir pour que nous puissions protéger les enfants du futur de TOUTES formes de violences quelles soient féminines ou masculines.
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