J’ai 24 ans et alterne les périodes de « bien-être » et de profonde détresse. J’ai toujours su avoir été victime d’inceste de mon cousin âgé de 11 années de plus que moi. Néanmoins, je n’ai que des images partielles de ce qui s’est passé. Je ne sais pas l’âge que j’avais, ni combien de fois cela a eu lieu.
Dès ma plus petite enfance, je connais de grandes difficultés. Déjà à l’entrée de l’école maternelle, je ne parle pas durant 1 an et demi.
A l’adolescence, je connais de très grosses crises de panique. C’est à 16 ans que je décide d’en parler à ma famille et d’aller consulter une psychologue. Aucune démarche judiciaire n’est entamée, la famille peine à réaliser les répercussions de cet événement. La vie continue, je poursuis mes études afin de devenir travailleur social. Le projet qui me tient à cœur durant la formation est de travailler dans la protection de l’enfance. Réparer les autres pour me réparer moi-même ?!
Je pensais le travail de « reconstruction » terminé, en vain. Lors de ma troisième année de formation je fais une énième rechute, cette fois ci plus violente, je ne peux plus mener une vie normale, je fais crises d’angoisse sur crises d’angoisse, je n’arrive plus à sortir de chez moi ni même à voir des amis. J’interromps la fin de mon stage et voit un psychiatre que je vois toujours.
Je me relève et obtiens mon diplôme. Durant cette période compliquée, mes parents sont présents, mon père répète « on aurait dû porter plainte ». Moi, je ne sais pas quoi en penser. Ma mère quant à elle a du mal à se positionner. Elle est très proche de sa sœur (la mère de mon cousin) et ne parvient pas à clarifier la situation. A cette période, ma tante continue de venir chez mes parents et parle de mon cousin devant moi. De mon côté, je ne dis rien, je reste passive. J’excuse ma mère, j’excuse ma tante, je me dis que la situation doit être terrible pour elles. Ma place à moi, je ne m’en préoccupe pas. Je me dis que maintenant que j’ai parlé, je ne peux qu’aller mieux.
Et voilà que je retombe deux ans après (aujourd’hui) suite à ma prise de poste dans un service de protection de l’enfance. Dès la première semaine à mon poste, je dois rencontrer un jeune majeur qui a commis des agressions sexuelles. Je ne veux pas faire le lien, je ne le fais pas, je fais mon travail tant bien que mal. J’ai des maux de ventre, je dors mal, je pleure avant d’aller au travail. Je mets ça sur le compte de la prise de poste. Puis, deux mois après, je craque, je fais des insomnies, crises d’angoisse, pleure beaucoup. Je suis arrêtée et ne peut terminer mon contrat de travail (CDD). Je vais mal depuis maintenant 3 mois. Du jour au lendemain, je ne me suis plus reconnue.
Je me retrouve beaucoup dans l’article du blog intitulé «connecter à son chemin de réparation». Tout comme cette personne qui témoigne, j’ai conscience de ce que j’ai vécu mais peine à faire le lien avec mon mal être actuel. Depuis trois mois, je suis comme dissociée, je ne me reconnais plus, je n’arrive pas à ressentir grand’chose quand je repense à cet inceste, c’est comme si ce n’était pas moi. J’ai oublié la plupart des souvenirs de mon enfance et tous les souvenirs associés à cet événement, comme la première fois où j’en ai parlé à ma famille par exemple.
La dissociation fait qu’aujourd’hui je me sens complètement perdue, incapable de rire, de vivre normalement, de reprendre une activité professionnelle, j’ai l’impression d’être à «côté de mes pompes», j’ai des sensations que je ne comprends pas, des images que je ne comprends pas. Je recherche des souvenirs mais n’en trouve pas. Je développe des phobies, des TOC, comme pour m’éloigner du réel problème.
Comprenez-vous ce que je veux dire ?
Anonyme
Chère jolie personne,
N’ayez pas peur, respirez, écoutez… simplement votre corps ne peut plus tolérer le silence, le tabou, le déni. Votre corps, connecté à votre insconcient a besoin « qu’on » reconnaisse ce crime, « qu’on » ne reste pas dans le « on aurait dû porter plainte » ou « on parle du cousin comme si de rien n’était » car « elle est forte », « elle s’en sort », « elle s’en remet », « ce n’était pas si grave ».
Si… ce traumatisme est très grave et même si cela vous parait encore très flou, votre corps et votre inconscient vous demande de creuser, de mettre les mains dans la boue, de transformer la boue en or, cet or qui vous permettra à nouveau de vous reconnecter avec vous-même.
Ce que vous vivez est normal, ne pensez pas que vous êtes une fille à problème, c’est une réaction normale ET légitime !
Il est temps, aujourd’hui, de vous confronter à cet agresseur, qu’il reconnaisse, qu’il vous demande pardon.
Et plus tard, peut-être, de porter plainte car ce qu’il vous a fait est criminel.
Votre famille vous doit ce dialogue et cette écoute, elle vous le DOIT.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Andréa
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Chère anonyme, merci pour votre témoignage ! On ne peut que vous comprendre et encore plus quand on a vécu comme vous ces violences sexuelles. J ai connu boulimie, dépression et tentative de suicide et c est qu à l âge de 30 ans que j ai compris d ou venait ce terrible mal être. Le jour où j ai su et j ai parlé, j ai cru que le calvaire serait terminé. Tout le monde me disait de tourner la page. Ma mère la première qui m a demandé pardon « de ne pas avoir voulu voir » et qui garde malgré tout contact avec mon père … Je pensais comme vous « c est du passé, je m en souviens pas vraiment, allez on avance … » J ai eu encore deux sévères dépressions et l apparition de crises d angoisses et attaque de panique. J ai compris à ce stade que si eux veulent rester dans le déni, ce serait sans mon approbation. J ai coupé les ponts avec ma mère pour me preserver. Je vous invite à regarder les vidéos du docteur Salmona, elle explique bien les tristes conséquences de ces agressions. Souvent l’entourage vous demande de les comprendre mais rarement eux se mettent à notre place et ont conscience des séquelles … Je suis certaine que si vous prenez soin de vous, vous pourrez à nouveau vous occuper des autres. Je vous souhaite tout plein de courage dans le chemin de la reconstruction. Bien à VOUS
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Cher vous, je me reconnais dans beaucoup de ce que vous décrivez et j’avance tout doucement sur ce chemin de reconstruction. Quelle similitude dans nos parcours. Ayant passé tellement d’années à me sentir seule, en décalage avec les autres, parfois ayant ce sentiment même de folie, de ne pas être « normale ». Et cette gêne et cette fuite des autres lorsque tout ce que vous demandez est un peu d’empathie et d’écoute de comment tout ça nous casse… J’espère de tout cœur que depuis votre récit les choses vont de mieux en mieux même si je sais bien que ni le corps, ni l’esprit n’oublie… J’espère que vous croisez des personnes aidantes et que parfois, et de plus en plus souvent, vous pouvez vous reposer de cela. Plein de courage.
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