Depuis fin décembre, il est possible de dévorer sur arte.tv (oui j’ai bien écrit « dévorer ») la pétillante série de Judith Godrèche « Icon of French Cinema ».
C’est l’histoire d’une actrice française qui tente un comeback dans le cinéma français après plusieurs années aux USA. Avec humour et une autodérision savoureuse, Judith Godrèche s’incarne à l’écran et s’inspire de sa vie pour nourrir cette comédie… drôle et pourtant dramatique…

Avec habileté, cette icône nous invite à comprendre, en même temps qu’elle semble le faire elle-même, le contexte dans lequel elle a vécu son adolescence. Comme si elle réalisait, parce que sa fille a l’âge qu’elle avait à l’époque, au fur et à mesure que l’histoire se déroule sous nos yeux de spectateurs captivés par la narration, que NON !!!, il n’est pas normal qu’un adulte de 40 ans, aussi artistique et charismatique soit-il, profite de la générosité innocente d’une enfant de 14 ans, pour en faire sexuellement sa maîtresse !
Dans cette série tout y est ! En regardant « Icon of French cinema » vous découvrirez le mode d’emploi du prédateur…
Car oui, il n’a pas choisi Judith par hasard, ce réalisateur célèbre…
Prenez une jeune fille déboussolée par le divorce de ses parents, déçue d’un amour de jeunesse qui n’est pas vraiment à la hauteur de ce qu’elle espère vivre, des parents démissionnaires qui, parce qu’ils souffrent trop, oublient de protéger leur fille… jusqu’à permettre qu’elle soit émancipée, et donc déclarée majeure à seulement 15 ans !!
Ah ! Cette époque bénie, pour les adultes pervers, que nous avons vécue, nous qui étions adolescentes dans les années 80 !… Nourries de magazines féminins blindés de photos à la David Hamilton, où des jeunes filles floues, partiellement nues, nous incitaient à croire que notre féminité devait passer par la provocation du désir chez les hommes… c’est cela qui devait valider notre potentiel : éveiller le désir…
La publicité pour le Parfum Anaïs de Cacharel en est l’exemple parfait… de très jeunes filles (Kate Moss entre autres) courent dans des robes blanches transparentes, se chuchotant des secrets à l’oreille et se passant doucement les doigts sur les lèvres…
Nous étions entourés d’adultes qui s’étaient libéré.es de l’emprise de leurs parents « trop » sévères, frustrés de ne pas avoir eu une adolescence, et une découverte de leur sexualité, épanouies… ils nous ont laissé « trop » libres de découvrir la notre, ne voyant pas le danger de nous inclure dans le monde des grands… ou pire, conscients de le faire pour en profiter… On est quand même à l’époque où Matzneff se pavane chez Pivot avec ses livres qui racontent ses exploits sexuels avec des mineur.es !!
A cette époque donc, alors qu’elle n’a que 14 ans, Judith Godrèche se fait prendre dans les filets d’emprise de Benoît Jacquot, réalisateur renommé, âgé de 40 ans au minimum…
Il est émouvant de constater que durant la promotion de cette série, alors que tout le monde pouvait deviner qui était, dans la vraie vie, le personnage de la série, Judith n’a jamais prononcé son nom comme pour se protéger de quelque chose, de sa propre peur sans doute… celle de l’enfant peut-être, car il y a toujours une part de nous qui reste coincée à l’âge du traumatisme…
C’est comme si, réaliser cette série avait permis à Judith de réaliser pleinement à quel point elle était sous l’emprise de cet homme, à quel point la société adulte ne l’a pas protégée, à quel point le monde du cinéma, le même qui protège Depardieu, Polanski et d’autres, depuis des années, n’a pas eu le courage de dénoncer tous ces réalisateurs séduisant des adolescentes et les exhibant façon « trophée » !
C’est parce qu’elle a découvert, il a quelques jours, l’existence d’un documentaire (hallucinant) où Benoît Jacquot, sans aucune honte, explique, tranquille, que le monde du cinéma est propice à avoir ce type de relations normalement interdites par la loi… et qu’en plus il dit qu’elle en a profité et qu’elle en avait été excitée, que Judith Godrèche a décidé de dire son nom, pour rendre justice à l’enfant qu’elle a été. C’est ainsi qu’elle l’explique sur les réseaux sociaux.
Depuis cette prise de parole, le soutien se fédère autour de Judith Godrèche qui a finalement décidé de rendre son compte instagram public, tellement ses mots résonnent au cœur de notre société actuellement ébranlée par l’affaire Depardieu et la façon dont ses potentielles victimes ont été discréditées d’avance, tellement son histoire résonne au cœur de la société civile, investie dans la lutte face aux violences sexuelles sur mineur.es, dernièrement secouée par l’éviction du Juge Durand à la présidence de la Ciivise.
La parole de Judith, médiatisée, fait écho aux milliers de révélations courageusement exprimées par des d’inconnu.e.s depuis #Metoo et #MetooInceste et s’appuie sur ce socle que nous construisons ensemble, parole libérée après parole libérée, depuis 2017.
Nous le savons maintenant, nous ne sommes plus seul.es, les réseaux sociaux ont ceci de beau, ils relient, entre iels, les activistes qui œuvrent face aux fléaux des violences faites aux femme et aux enfants ! Et cela décuple notre force !
2024 va concrétiser, j’en suis certaine, ce que nous espérons depuis des années !
Même si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités rapidement, nous serons relié.es pour que plus aucun.ne de nous ne soient plus jamais isolé.es face à son.ses agresseur.es
Les derniers soutiens à Gérard Depardieu, en signant leur tribune gangrenée d’extrême droite, ont incarné « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » ! Et 2024 commence avec Judith Godrèche qui brave sa peur et se dresse en femme libre face au système agresseur, dans lequel nous avons été, toutes et tous, façonné.es depuis tant d’années !
Merci Judith, c’est comme un souhait qui se réalise, comme une décision qui se renouvelle, se renforce !
Vous avez, ces derniers jours, mesuré que nous étions à vos côtés, nous sommes heureux.ses de vous voir libérée de ce passé trop lourd à taire !
Votre série, « Icon of French Cinema » marquera un tournant dans la conscientisation sociétale de ce fléau qu’est la pédocriminalité. Vos images évoquent pareil sujet avec force, et cependant tout en douceur, comme pour éviter que les spectateur.ices soient sidéré.es, afin qu’ils restent capables de recevoir l’information et de comprendre le mécanisme de l’emprise, et les dégâts que ce type de vécus provoquent dans la vie d’adulte des enfants qui ont été agressé.es.
Merci Judith !
Bienvenue dans la team de La Génération qui Parle !
Anne Lucie
Merci à vous toutes et tous qui avez la « chance » de pouvoir être entendus, de partager votre voix au nom aussi des anonymes et inaudibles que nous sommes ! 🙏🥰
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