Gaëlle a déposé sur le blog un témoignage (que vous pouvez découvrir ici) et quelques heures après me l’avoir envoyé, elle a appris que le procureur avait classé sa plainte sans suite pour «infraction insuffisamment caractérisée».
Depuis, elle a pu consulter son dossier, avec son avocate, et m’a fait parvenir cette suite à son premier témoignage, afin que ce nouveau partage soit utile à d’autres personnes, ayant été victimes de violences sexuelles quand elles étaient enfant, qui traverseraient une situation similaire à la sienne. 

Je viens d’avoir accès à mon dossier. 

Ce classement sans suite, tombé comme un couperet sur mon courage, j’ai pu lui donner des mots durs, lourds, tellement culpabilisants.
Je suis allée de surprises en surprises en lisant témoignages, expertises psy et autres rapports d’enquête d’une vacuité désarmante. 

Première surprise : la procureur qui voulait enquêter pour les assises a été mutée, mon dossier a été confié à un autre… puis un autre… et enfin encore un procureur différent. Pas moins de 4 procureurs ont lu mes blessures profondes, mon intimité souillée, les mots d’amour de mon agresseur. 
Cette simple idée me rend très inconfortable, sale. Je ne sais pas comment l’expliquer. 

2e surprise : mon agresseur a fait l’objet d’un rappel à la loi pour harcèlement sexuel sur une jeune femme il y a quelques années….

Ah tiens tiens… ça dresse un tout autre profil que celui qu’il veut faire croire qu’il est. (Attention 3e surprise, et de taille !) JE serai l’agresseur ! Oui vous avez bien lu ! C’est moi, grande manipulatrice du haut de mes 9 ans, qui aurait abusé de lui, l’aurait aguiché, aurait provoqué ses gestes, qu’il m’aurait suppliée d’arrêter. Mais bien sûr ! C’est tellement évident qu’un homme de 17 ans ne peut pas résister aux assauts d’une enfant de 9 ans. 

J’ai envie de vomir rien qu’à vous l’écrire. J’ai tellement prié pour qu’il me laisse, tellement pleuré sans sanglots, tellement j’étais sidérée. Dès que ses mains se faufilaient entre mes jambes, mes larmes roulant sur les joues en silence. 
Et c’est lui qu’il faudrait plaindre ? 
Comment peut-il penser une seconde que cette défense tiendra la route ? … 
Je m’attendais à lire ses mots d’amour, lire que je l’aimais aussi (ce qui est évidemment totalement faux) mais alors lire que c’est moi l’agresseur, je ne m’y étais pas préparée. Et ça me reste en travers de la gorge. 
Il a nié les viols, il a nié également s’être masturbé avec ma main ou en se frottant sur moi jusqu’à se finir, mais d’un autre côté, il dit qu’il « bandait tout le temps en ma présence  ». 
Il se perd dans ses explications en disant que je faisais plus que mon âge, puis, deux phrases plus loin, je n’étais pas excitante puisque je n’étais pas formée, puis, plus loin, qu’il était sexuellement excité et éperdument amoureux de moi. 
La vérité est que du haut de mes 9 ans j’en paraissait plutôt 7 ! 
Ses proches, auditionnés, l’ont soutenu mordicus. 
Et étonnamment AUCUN de mes proches n’a été entendu. 

Que dois-je en penser ? 
L’enquête semble n’avoir été orientée que dans un sens. 
Je suis d’autant plus déterminée à contester et à me battre. Il y a tant d’incohérences ! 

Je sais que cette nuit ma petite Gaëlle viendra me rendre visite dans mes cauchemars, mais j’espère, qu’un jour prochain, quelque soit l’issue du combat que je mène, main dans la main avec elle, je pourrais lui dire : « tu vois ma puce, tu peux être en paix… on a été fortes ».
Mais ce soir, je me sens très affaiblie, petite et souillée des mots dégueulasses qui peuplent mon dossier. 

Je me dis, que sûrement, d’autres victimes se sont vues attribuer le rôle de « bourreau » par leur agresseur pour se dédouaner, et je souhaite qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules. 

Merci de m’avoir lue et de m’accompagner avec tant de bienveillance. 
Vous êtes une petite lumière dans les ténèbres Anne Lucie, sachez-le. 

Gaëlle