Souvent je ferme les yeux. Et je me sens partir.

Je sens presque le vide qui m’entoure.

Le fond du gouffre qui arrive dangereusement.

Comme une ivresse, juste après le verre de trop.

Mais c’est doux, une douceur. Unique. Transcendante.

Un sommeil qui appelle, d’une voix de sirène.

Et qui reste, jusqu’à ce que je lui réponde.

Il ne vient qu’au petit matin, avant la nuit.

Après cette longue nuit d’angoisse, de peur. De solitude. 

Une nuit où rien en commence, rien ne finit.

Où même l’amour ne trouve pas son chemin.

Je ferme les yeux, jusqu’à la dernière minute.

Je profite, jusqu’à la dernière seconde.

Juste avant de sombrer totalement dans le noir. 

J’ouvre les yeux, je me confronte à la lumière.

Une lumière trop forte, qui m’aveugle, me brûle.

Je rejoins mon corps, lourd de fatigue et de froid. 

Mes bras meurtris, mon dos courbé, ce poids de la vie.

Ce cœur qui bat, inlassablement, ce sang qui circule.

Et l’obscurité me manque, comme un poumon manque d’air.

Je me sens nue, sale, à découvert sur une place publique.

J’ai honte. Et j’ai mal.

Je n’ai rien choisi de tout ça. De cette souffrance.

L’ivresse est partie, la douceur est mordante.

Je ferme les yeux. Jusqu’au jour d’après.

L.M.