J’ai enfin pris le temps de voir un film que je voulais avoir depuis quelques temps :
Le bal des folles réalisé par Mélanie Laurent

Ce film s’inspire du livre éponyme de Victoria Mas, inspiré de la vraie Histoire…
« Dans le Paris de l’hiver 1885, les patientes de la Salpêtrière se préparent pour le grand événement de l’année : le «bal des folles», organisé par le professeur Charcot, qui convie à cette occasion la bonne société parisienne, avide de curiosité à l’égard des aliénées. Mais ces «folles» ne sont pas toutes si malades que l’on croit, et derrière ce terme se cache une réalité sociale qui condamne les femmes les plus indépendantes d’esprit en les privant de liberté.
Ce roman, récompensé par plusieurs prix littéraires, notamment le prix Renaudot des lycéens, et adapté au cinéma, s’inscrit dans les programmes de 2de, 1re et Terminale et permet d’aborder la question de la folie et son traitement médical au XIXe siècle, ainsi que la condition des femmes et les entraves à leur émancipation. »

Mélanie Laurent offre ici un film poignant qui nous montre de l’intérieur la façon dont les femmes, après avoir été longtemps brûlées façon « sorcière », ont été muselées, rendues « folles » dès qu’elles s’exprimaient, avaient un avis ou dénonçaient avoir subi des violences sexuelles… En voyant ce film qui nous transporte 140 ans en arrière, je me suis demandée si notre considération, au niveau sociétal, avait tant changé que cela.

Parmi les personnages contés dans ce film, qui ont existé dans la réalité, il y a celui de Louise qui a été patiente du Dr Charcot. Elle a été internée parce qu’elle a fait une crise hystérique après avoir été violée par son oncle, et quand elle l’a dénoncé auprès de sa famille, on l’a traitée de folle et on l’a faite internée… Là, durant des années, le Dr Charcot l’a mise sous hypnose régulièrement pour la mettre en crise devant ses élèves, jusqu’à ce qu’elle en soit handicapée physiquement, elle est à priori aussi tombée sous l’emprise d’un médecin du service qui lui a fait croire qu’il l’aimait et qui a fini par la violer… Sympa le traitement psychiatrique, n’est-ce pas ?

Mais les choses ont-elles tant changé ?
Est-ce qu’aujourd’hui encore, on ne va pas traiter de « folle » un.e enfant, une femme, qui dénonce un viol ? Est-ce que ce n’est pas le premier réflexe de l’entourage, de la société ? Douter du fait que cela soit bien la vérité… Douter parfois de son propre ressenti, devant une situation qui nous parait chelou, et oser écouter notre intuition.

Le contenu de certains témoignages déposés sur ce blog depuis 7 ans, nous partage le vécu de nombreuses personnes…
La famille qui leur tourne le dos dès qu’elles parlent, voir même souvent, en cas d’inceste, le terrain pour décrédibiliser la victime a été préparé de longue date pour mettre en avant ses troubles psychologiques et ainsi décrédibiliser ses dires si jamais elle trouvait le courage de parler un jour…
Un mécanisme bien rodé…

Aujourd’hui encore ce terme « hystérique » est utilisé dès qu’une femme manifeste sa colère, son refus d’injustice… et ce dans de nombreuses situations !
Aujourd’hui on considère que si une femme porte plainte c’est pour se faire de la thune sur le dos de l’agresseur présumé…
Aujourd’hui quand une mère protège ses enfants d’un père incestueux, on l’accuse d’être manipulatrice et de se servir de ses enfant pour se venger après une séparation…
Aujourd’hui, on interne encore des jeunes filles suicidaires qui se scarifient, et dénoncent des violences sexuelles subies… pour leur sauver la vie certes, ce qui a pour effet de les « sortir » de la société dans le même temps…

Alors oui, c’est un peu moins facile qu’avant d’interner une femme qui l’ouvre, mais pourtant notre société est imbibée de cette croyance universelle que la « Femme » est vicieuse, menteuse, hystérique, malade… folle, quoi !

Je vous encourage vivement à regarder « Le bal des folles » et mesurer à quel point dans notre inconscient collectif, la façon dont on considère les femmes, dont on les musèle depuis des siècles, a laissé les traces jusque dans la tête des femmes elles-mêmes, encore aujourd’hui, jusqu’à ce qu’elles se pensent elles-mêmes illégitimes à obtenir justice, à être respectées… et l’environnement le leur renvoie bien puisqu’en France, en 2023, le gouvernement ne réagît que peu aux infanticides et féminicides qui s’accumulent tranquillement dans l’indifférence quasi totale…

Merci Mélanie Laurent pour ce film qui je l’espère va semer des petites graines pour nous permettre de réaliser que le changement est encore à faire ! 

Et puis, entre nous, je parle des personnes qui ont été agressées sexuellement (femmes comme hommes), avec tous nos bons petits syndromes de stress post-traumatique, qui ne se sent pas un peu folle/fou, parfois… Parce que nos corps et nos esprits font bien comme ils peuvent pour rester « debout »… nous devons leur rendre hommage et laisser notre parole, aussi « folle » soit-elle, dire ce qui nous semble juste pour légitimer à nouveau, au cœur de notre société, nos histoires singulières et si universelles à la fois.

Anne Lucie