A 7 ans on croit tout savoir sur les ogres, les loups, les monstres et les voleurs d’enfance. On joue à se faire peur, on regarde le monde à travers nos doigts écartés… et on ne croit pas l’adulte qui nous dit « ce ne sont que des histoires. »

A 7 ans on croit tout savoir sur les bonnes fées, les princesses, les vœux et les baguettes magiques. On croit aux dénouements heureux, au bonheur, aux gentils qui gagnent toujours à la fin, on attend.

J’étais cette petite fille qui chaque soir, entre chien et loup, faisait le tour de sa maison la peur au ventre, imaginant à chaque angle qu’un voleur la tuerait. J’étais cette petite fille qui, chaque soir, se cachait au fond du grand lit, là où le poids de la couette l’étouffait, là où il n’y avait pourtant pas d’issue possible. J’étais aussi cette petite fille dans les nuages, celle qui imaginait qu’une bonne fée aux jupes arc en ciel lui tendrait la main, la kidnapperait et l’envelopperait d’amour. Abracadabra, tout disparaitra.

Personne n’est venu me sauver.

A 7 ans on ne sait pas que les ogres, les loups et les monstres portent des masques. On ne sait pas qu’ils peuvent être aimés de tous, avoir beaucoup d’amis, porter un uniforme de gentil et nous appeler « ma chérie ». A 7 ans on ne sait pas que les ogres, les loups et les monstres se font aussi appeler « papa ».

Je n’ai plus jamais eu 7 ans.

Il y a eu ce matin de mai, le matin de l’ogre sans masque, le matin du viol. Il m’a dit « Tu as fait un mauvais rêve. N’y pense plus. Tu oublieras ».

Alors j’ai oublié.

Au fil du temps je suis devenue mon armure, ma défense, mon armée amie et ennemie. J’ai sur-vécu dans un monde qui n’avait plus aucun sens, j’ai vécu ma vie matriochka, ma vie à mes côtés, ma vie décomposée.

Il y a quelques jours, j’ai composé son numéro et je lui ai dit que je me souvenais de ce matin de mai.

Il y a quelques jours je me suis secourue, je me suis tendue la main, je suis devenue la bonne fée que j’attendais… Je suis l’adulte qui a su me protéger, celle qui a affronté l’ogre aux yeux de glace.

Il a su où appuyer pour instiller le doute, la peur. Ses mots m’ont poursuivie, je me suis sentie en danger, j’ai sursauté à chaque bruit de portière, j’ai imaginé mille scénario de fuite. Mais il n’a rien fait.

J’ai remis le monde dans le bon sens : chacun a retrouvé sa place.

Je suis forte. Je suis vivante.

J’ai parlé et ça ne m’a pas tuée.

 

Anonyme