Je suis un homme de 41 ans
J’étais un enfant très turbulent, ingérable et polytox à partir de 12 ans, polytox sans raisons (qui a besoin de raisons ?) croyais-je.
J’avais 17 ans la première fois que je suis tombé amoureux et c’est ce qui a commencé à débloquer ma mémoire.
Mon « père » m’a violé de nombreuses fois dans mon enfance, la dernière fois j’avais 11 ans. La mémoire est revenue petit à petit, ça a été un cataclysme et mon monde s’est écroulé, je croyais devenir dingue, c’était impossible, tout mais pas ça ! J’explosais littéralement, essayant de m’anesthésier comme je pouvais, la mémoire ne prévient pas, ça ne se contrôle pas et des scènes de viols dont j’ai été victime ont tourné dans mon esprit pendant des années, me dévoilant doucement de plus en plus de faits, insupportables. Me rêvant comme un fantôme ignoble, une ombre planant de façon entêtante, douloureusement cette vérité s’est imposée à moi.
A 18 ou 19 ans, après avoir viré mon géniteur de chez ma mère à coup de pompe (j’ai failli le tuer), bref, j’ai voulu porter plainte mais j’ai été reçu comme une merde par la brigade des mineurs, le policier me demandait des dates, des précisions que j’étais incapable de donner et finalement ce connard s’est foutu de moi, j’ai renoncé. Je suis allé voir quelques psys aussi qui ne m’ont rien apporté puis voyant qu’aucune aide ne m’était accessible j’ai complètement plongé dans la came jusqu’à mes 26 ans. J’ai vécu en squat, à droite et à gauche pendant ces années. Sexuellement, pendant cette période, j’ai fait n’importe quoi, mécaniquement sans rien ressentir, comme un robot sans vie, gelé, spectateur de moi-même.
Pendant tout ce temps, les souvenirs ont continué à envahir ma vie et, à l’heure où j’écris, trop régulièrement encore ils reviennent, c’est pas terminé !
26 ans donc, je rencontre une petite nana dont je tombe à nouveau amoureux, c’est encore très difficile mais je m’installe quand même avec elle. J’apprendrais peu après qu’elle aussi a été victime d’inceste, peut-être était-ce pour ça que malgré nos différences nous nous comprenions ?
Presque toutes mes relations amoureuses par la suite ont été avec des femmes victimes de pédocriminels divers et variés, je l’apprenais au bout de quelques semaines ou quelques mois.
Le temps passe, trop vite, et je me (re)construis lentement, d’échec en échec, de rechute en rechute. Fonder une famille m’a toujours été impossible, je le refuse, ça me rend malade. Evidemment, pour garder une relation durable dans ces conditions c’est pas simple non plus. Je suis dégoûté, ma famille a explosé et je ne peux pas construire la mienne !
A 37 ans, voyant la prescription arriver à grand pas et soutenu par ma compagne de l’époque, je décide de retourner déposer plainte.
Pour ça, je dois vite mettre de l’ordre dans mes souvenirs et surtout trouver le courage d’en parler sans m’écrouler. On me conseille l’EMDR. Je tente le coup mais c’est pas remboursé, je suis au RSA et ça me coûte 55€ la séance parce que je négocie un peu avec la psy (ça peut monter jusqu’à 80€). Ça m’a coûté (dans tous les sens du terme) une foutue blinde, ça fonctionne plus ou moins mais ça n’a pas tout réglé loin de là.
Pendant presqu’un an j’ai fait ça, puis la veille de mes 38 ans j’y suis allé et j’ai posé cette foutue plainte. Le policier qui m’a reçu cette fois-ci m’a cru et a été très correct, mais voilà il n’y a pas de procès, des affaires comme ça il y en a trop, je crois… Suite à ce dépôt de plainte, j’ai craqué et j’ai sombré dans une dépression terrible, les nuits sans sommeil, la libido complètement à zéro, mon couple n’y a pas survécu.
En ce moment je ne vis pas, je survis, et bien-sûr je veux l’impossible : qu’on m’enlève ces souvenirs qui m’assaillent pour que je puisse enfin vivre en paix. Ça fait 10 ans que je ne suis plus capable de travailler à cause de ça, et financièrement je vis avec une misère, sans projet. J’ai ce qu’on appelle un syndrome de stress post-traumatique, comme beaucoup de victimes de pédocriminels. Autour de chez moi, il n’y a pas de centre de soins pour les gens comme moi. Ça me bloque dans ma vie parce que, régulièrement, je replonge dans ces souvenirs immondes et c’est très douloureux. Maintenant, je crois que ça ne s’arrêtera pas, j’ai abandonné l’idée d’avoir une vie « normale », je sais qu’il y a des vagues de souvenir qui reviendront encore.
Il y a deux ans, j’ai discuté avec ma mère qui est maintenant âgée et j’ai appris qu’elle avait été victime de son frère aîné, j’ai appris aussi que ma grand-mère avait également été victime d’inceste.
Ma sœur aussi a été victime, mais jamais elle n’est sortie du déni et je n’ai plus de contact avec elle depuis plus de 10 ans. Il n’y a qu’avec ma mère que j’ai gardé un contact fragile, le reste de ma « famille » a complètement explosé quand j’ai parlé.
Aucun de ces pédocriminels n’a jamais été inquiété.
Stop à la prescription !
Anonyme
Bonjour,
ce témoignage est très touchant . J’ai vécu la même chose que lui en moins grave puisque ce n’était pas mon propre père l’agresseur . Cela pose le problème des garçons violés par des hommes qui sont certainement très nombreux et qui n’en parlent jamais à cause de la honte lié au caractère homosexuel de l’agression . J’ai suivi comme lui des séances d’EMDR, c’est efficace mais cela ne suffit pas, il faut aussi parler . C’est très long, je n’en suis pas encore sorti même si je vis à peu près normalement, mais au prix de beaucoup de souffrance et de gâchis . Comme lui, j’ai eu des problèmes pour financer ma thérapie . C’est un vrai scandale que les séances de psychologue ne soient pas remboursées . Les psychiatres sont souvent inefficaces voire incompétents, j’en ai fait l’expérience . Pour comprendre les dégâts provoqués par les viols sur des garçons, il existe un livre d’un sociologue canadien nommé Michel Dorais intitulé : ça arrive aussi aux garçons . C’est assez effrayant . Les autorités sanitaires devraient prendre ces cas au sérieux . C’est la première cause de suicide en France . Personnellement J’en ai fait deux . Je n’ai jamais porté plainte, pourtant je connais le nom du coupable, il a peut-être commis d’autres viols, j’y pense souvent . Je partage le sentiment de l’auteur sur la police . On ne sait pas comment on sera reçu . Pour moi c’est trop tard, mais j’ai vu dans le film Les Chatouilles que même s’il n’y a pas plainte, un témoignage peut-être entendu par la justice (celui de la soeur du coupable) pour d’autres affaires concernant le même accusé .
Bon courage à toi . Tu t’en sortiras …
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Merci beaucoup Vincent ! Bravo à vous également pour ce partage ! Si vous souhaitez témoigner sur le blog, vos écrits sont les bienvenus !
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Bonsoir, je reviens tout juste de la projection du film Les chatouilles à La Turbine à Annecy. Je voulais vous remercier de nous avoir accompagnés par votre témoignage et votre bonne humeur. Je suis de la génération qui ne parlait pas et je n’ai pas parlé. Merci et je suis votre blog. Evelyne PERNET
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Merci Evelyne ! C’était un beau moment ! Très heureuse de l’avoir partagé avec vous 🙂
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Bonjour,
Merci pour votre blog.
J’ai compris depuis peu et après des années de soins inefficaces que j’étais victime de stress post-traumatique lié à des événements relevant de l’inceste.
Un des soucis des victimes me semble être le fait que le lien de cause à effet entre des événements vécus et les symptômes n’est pas fait. Pourquoi ? Parce-qu’on n’imagine pas que l’esprit puisse être à ce point déstructuré à causes de ces faits. C’est grâce au site sur la recherche post-traumatique que j’ai finalement compris.
Merci pour les témoignages, c’est encore dur pour moi de verbaliser, et lire me fait du bien.
Juste un mot pour partager les techniques de soins qui m’aident (testées et approuvées), sont gratuites car on les pratique soi-même, permettent d’être autonomes et efficace dans la gestion des émotions :
EFT : vous trouverez des tutoriels sur https://technique-eft.com/
Psycho-bio-acupressure : il existe un livre : 5 points, un point c’est tout
et le site : https://www.fidta.fr/psycho-bio-acupressure/
Ah oui, la méditation me semble un vrai trésor pour ce travail :
http://pratiquer-la-meditation.com/
Bonne route 🙂
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Merci pour votre message ! Quand se sera le moment pour vous, votre témoignage sera le bienvenu sur le blog.
A très bientôt !
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Merci pour votre témoignage… Je suis très touchée.
Vous avez raison d’utiliser des guillemets, un père n’inflige pas pareille souffrance à son enfant. Cela n’aurait jamais dû arriver.
C’est terrible ces ombres et ces cauchemars qui vous poursuivent pendant des années, ce n’est pas facile de remettre les choses à leur place. D’autant que ni le reste de la famille, ni la police ne semblent vouloir regarder la vérité en face.
Bravo déjà d’avoir dégagé le pédocriminel, d’avoir parlé, c’est énorme.
Je vous souhaite beaucoup de courage et d’optimisme.
Jeanne
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