Suite aux conseils d’un médecin, Martine écrit dans son journal intime depuis maintenant 22 ans. Aujourd’hui, elle voudrait partager ses écrits avec d’autres, les éditer peut-être… Si vous avez des conseils à partager avec Martine, n’hésitez pas à le faire dans les commentaires sous cet article. Merci pour elle !!

 

Ce passé douloureux : chapitre 1, partie 6 « La réminiscence : accepter l’inacceptable »

Ce jour de Février 1996, ce jour ou ma vie a basculé

Après le RDV avec le médecin thermal, où il m’a recommandé d’écrire ma vie, tous mes souvenirs, je commence ma cure : les soins.

– Douches fortes et longues avec lui, des bains bouillonnants et d’autres avec des jets, plus les séances de massages sous l’eau par une kiné. Mon état émotionnel me semble si fragile, physiquement je suis très fatiguée.

Je passe donc m’acheter un cahier et l’après-midi je commence à écrire. Les souvenirs (enfin une partie, je le sais maintenant) arrivent, je prends le temps de les relater. Je crois qu’il m’a fallu trois jours d’écriture pour arriver à la période de mes 10 ans.

Et là, c’est l’horreur de la découverte qui me fait exploser la tête : l’effet d’une bombe, c’est exactement mon ressenti. Mais oui il s’est passé quelque chose de grave vers cette époque-là. Sur le moment j’ai laissé un blanc en écrivant, je ne pouvais pas écrire le mot, maintenant je peux l’écrire, le dire: Mon frère m’a violée, et ce jour de Février 1996, je revois la scène, les lieux :

– Mon frère aimait beaucoup faire des cabanes à l’extérieur de la maison, il y avait beaucoup d’espace, nous habitions à la campagne, les terrains n’étaient pas délimités, il y avait toujours plusieurs cabanes. L’après-midi nos parents faisaient la sieste, et pour être tranquilles (enfin surtout ma mère), nous expédiaient dehors !!!

Pendant ce temps, je suivais mon frère dans une des cabanes et nous nous allongions. Il en a profité. Il a profité de mon innocence de petite fille qui ne savait pas ce qui arrivait, qui lui faisait entièrement confiance. Longtemps, durant des années après la réminiscence, j’ai ressenti dans mon corps la douleur ressentie à ce moment-là, le poids de son corps, mes larmes, et le plus horrible, les paroles qu’il prononçait. La suite, c’est encore pour moi le trou noir : je n’ai aucune idée de ce que j’ai pu faire dans les moments qui ont suivi, ni de ma souffrance ; elle devait être tellement énorme que j’ai tout occulté pendant ces 33 années.

Mais quoi faire de ce souvenir ? Je continue d’écrire un peu les souvenirs des années suivantes, et je prends conscience de la violence des maux dont j’ai souffert et qui ont remplacé les mots, mots que je n’ai pas pu dire à mes parents à l’époque, mais pourquoi ? Je leur en veux de ne pas me l’avoir permis. Mon corps parlait, lui, il disait ce que ma bouche renfermait, on me soignait tant bien que mal, maman m’emmenait souvent chez le médecin : infections urinaires à répétition, douleurs de ventre, douleurs articulaires, appendicectomie non justifiée, tristesse, mélancolie, infections vaginales. Mais pourquoi ma mère ne s’est pas occupée de ma douleur psychologique ? Bon sang!!!

Je crois que je n’en avais pas conscience moi-même, je me protégeais de l’indicible, de l’insupportable et j’ai somatisé.

Pourquoi je n’ai rien dit ? Déjà, comme je le disais plus haut, je l’ai vite enfoui pour moins souffrir, et je pense que je protégeais ma mère, sans doute mon frère m’avait-il menacée comme beaucoup d’abuseurs, c’est une supposition, mais j’adorais dénoncer ses taquineries et bêtises, et là c’était beaucoup plus grave et je n’ai rien dit, pourquoi ?

Fin du chapitre 1, avec la fin du refoulement.