La mémoire traumatique s’était libérée depuis un peu plus de 6 mois… je devais depuis vivre avec le fait que mon père m’avait violée enfant. Une horreur et un soulagement en même temps, cela expliquait tant de choses…
Ce jour-là, je suis allée chez le dentiste, parce qu’une de mes couronnes s’était décollée. J’ai effectivement quelques couronnes qui ont remplacées mes dents, au fur et à mesure des années car j’ai toujours été chez le dentiste au « dernier moment » depuis que je suis adulte. Alors, mes dents se sont abîmées plus que si j’avais été chez le dentiste aux premiers symptômes.

La mauvaise nouvelle est tombée : la dent sous la couronne était pourrie, la couronne était cassée, il fallait arracher le reste de la  dent… L’extraction s’est mal passée, et au fur à mesure que le dentiste s’énervait dans ma bouche, alors que je subissais cette intrusion non souhaitée que je n’avais pas eu le temps d’anticiper, je sentais la tension s’installée dans mon bas ventre, la douleur saisir mon vagin et mon utérus… je me suis sentie mal.

Je suis rentrée chez moi terrassée par la douleur. Tellement j’avais mal, exceptionnellement, j’ai pris un anti douleur avec de la codéine (ce que je fais rarement car ça me shoote trop). Et, alors que je me reposais sous l’effet du médicament, je l’ai ressenti… un oncle, quand j’avais 12 ans, seule en vacances chez lui… et puis je me fige : son fils quand il est devenu père a « pété un plomb » avec des crises de délires où il était persuadé que tout le monde pensait qu’il était pédophile… Le fait de devenir parent peut être une étape qui nous fait connecter avec notre histoire enfouie… Mon ressenti est-il la vérité ? Pourquoi avais-je aussi clairement associé mon malaise chez le dentiste, ma douleur dans le bas ventre et l’intrusion douloureuse dans ma bouche au visage de mon oncle ?

Depuis, je suis retournée chez le dentiste une fois, il y a un an, mais j’ai de nouveau eu mal et me suis sentie « agressée », alors, je ne suis pas retournée faire le soin final. Ma dent s’est dégradée et ce soir, elle s’est cassée… je vais la perdre, celle-ci aussi… J’ai réussi à prendre rdv avec une dentiste femme en espérant qu’une place se libèrera au plus vite…

J’ai appris cette semaine que les femmes qui avaient été forcée d’embrasser, de faire des fellations, à qui ont avait « forcé » l’accès buccal pouvaient avoir du mal à se faire soigner les dents car elles avaient du mal à supporter une intrusion qui pouvait « faire mal ». Cette information m’a re-connectée avec ce séjour chez mon oncle, je sens que le brouillard se dissipe et je n’ai pas super envie de découvrir, de me souvenir, de savoir ce qu’il y a derrière et en même temps je sais que si cela se révèle, c’est que je suis prête. Que fais-je faire de cela ?

Les délais de prescription m’empêchent déjà de porter plainte contre mon père, et ce sera encore le cas s’ils sont rallongés de 10 ans… alors devoir gérer qu’un autre de mes agresseurs ne sera pas sanctionné… De plus, j’ai comme l’impression que ce délai « dépassé » qui m’empêche de dire à la justice, m’empêche de dire à mon cousin que peut-être il n’est pas « fou », que ses peurs d’être pédophile, ressenties quand son enfant est né, sont peut-être tout simplement le « seul » moyen qu’il a trouvé pour commencer à sortir de la mémoire traumatique… car si son père l’a fait avec moi, pourquoi ne l’aurait-il pas fait avec lui ?

Même si je me répare depuis que je « sais », j’ai toujours eu cette sensation, que le comportement que mon père envers moi avait inscrit dans mon ADN une incapacité à dire non, à réagir face au danger… et que si on se construit violé-e, il arrive souvent de l’être à nouveau car les prédateurs perçoivent le signal de « victime » que nous « émettons » malgré nous… Combien d’agresseurs se sont servi de mon corps anesthésié ?

Une chose est en tout cas bien certaine, la mémoire se libère à n’importe quel moment… Il n’y a pas de règles précises, de mode d’emploi… Pourquoi la justice, la constitution française tient-elle à ce point à nous en imposer un ? Pourquoi et comment la justice, les hommes et les femmes qui la font, peuvent se satisfaire de lois qui nous condamnent au silence alors qu’il est déjà si difficile pour nous d’oser parler, d’oser croire que nous avons raison, que nous ne sommes pas « fous » ?…

Vic